Spiritualité, illusion ?

16 juillet 2014

Sur une voie « spirituelle », nous pourrions considérer que la nature vitale, astrale, que revêtent les forces de la nature primale soit moins attirante et moins intéressante quand on s’apprête à conquérir notre nature supérieure et cherchons à transcender notre nature dite inférieure.

Nous pensons que nous attarder sur les consciences qui œuvrent et sculptent les formes des végétaux et sur les phénomènes qui régissent la nature est moins valorisant que de contacter les hautes sphères des guides de lumière et des plans dit d’ « unité ».

Mais acceptons-nous avec une telle vision de prendre et de considérer la conscience et notre être dans sa totalité ?

Avons-nous pris conscience que nous pouvons trouver le « tout » dans le tout ?

Beaucoup de voies spirituelles au cours des âges ont banni le corps, la manifestation physique, les émotions dans le désir de réaliser ce qu’il y a de plus pur et de plus haut. Ceci, prenant parfois la manifestation pour un mensonge, une illusion, ou au pire une erreur à laquelle nous devrions nous soustraire.

Mais la vie n’est-elle pas à l’image du « tout »? Le monde physique n’est-il pas le réceptacle de ce qu’il y a de plus haut et de ce que nous appelons communément le divin ?

J’entends, bien sûr, par « divin », le principe d’unité, la création omnipotente d’amour, la source primordiale qui s’est subdivisée et cristallisée jusqu’à engendrer la forme de ce que nous sommes et de ce que nous connaissons.

Pourrions-nous considérer que nous sommes une erreur et que ce monde doit être fui comme le proposent certaines voies ?

Beaucoup de chemins aujourd’hui mettent le doigt sur cette réunion en notre sein de cette dualité primordiale pour réaliser notre complétude. Beaucoup de maîtres spirituels contemporains invitent à reconsidérer le fait qu’il n’est pas nécessaire de nous couper de qui ou de quoi que ce soit pour réaliser ce que nous sommes déjà dans notre propre nature.

Les choses ont beaucoup évolué depuis quelques années et montrent que la connaissance se diffuse et que certaines voies fusionnent entre elles et que certains enseignements s’amputent de pratiques stériles basées sur certaines mortifications, même mentales ou de pratiques ascétiques parfois extrêmes.

Nous pourrions dire que la spiritualité en tant que concept évolue et que les outils que cela a pu offrir au monde se parent de plus de discernement et tendent vers plus de simplicité et aussi d’utilité autant pour les « chercheurs de vérité » que pour monsieur et madame « tout le monde ».

Nous retrouvons les pratiques de yoga hebdomadaire dans les salles communales des petits villages et les méthodes tantriques d’approche de la sexualité dans les séminaires de développement personnel sans compter les nombreux apports dans le monde de la psychologie et celui de l’entreprise.

Le monde de la communication joue son rôle et banalise une réalité porteuse de nouvelles possibilités « consciencielles » et ceci pour la grâce de l’émergence de nouvelles pensées et d’une meilleure compréhension, qui plus est, intégrale de la vie.

Nous pensons en termes de verticalité et d’accession à des sphères supérieures quand nous aspirons à quelque chose d’autre. Quelque chose qui résonne comme une promesse au vu des nombreux enseignements spirituels traditionnels et contemporains. Nous cherchons désespérément ainsi à nous dissoudre dans « le Soi » afin de quitter une nature, une perception, une réalité pourtant perceptible et évidente mais qui nous a tant été rabâchée « dans le milieu » comme illusoire…

Cela pourrait nous arranger, quand nous nous retrouvons face à nos faiblesses et nos incapacités quotidiennes à être vraiment heureux ou à incarner ce que l’on désire…

La spiritualité peut alors avoir bon dos pour autoriser une fuite soutenue par des arguments millénaires…

Ou alors nous cherchons un équilibre dans un monde auquel nous nous attachons, que nous ne trouvons pas tant que certaines douleurs nous emprisonnent encore, et où notre sentiment d’identification à notre corps et à la forme n’a pas été rompu.

Notre condition n’est que le résultat de notre conditionnement, mais ne sommes-nous pas déjà libres ?
Ne cherchons-nous pas après tout ce que nous sommes déjà ?
Nous nous attachons à des mots comme « éveil » ou « réalisation », cristallisant ainsi nos propres futurs obstacles et créant des stratagèmes et des pratiques pour dépasser ces nouvelles projections et créations mentales.
Même si ces états ont été éprouvés et la manière d’y arriver longuement décrits, comprenons-nous que ce ne sont que des concepts, des possibilités, des directions dans une abstraction dénuée de tout sens que nous pourrions mettre ou imaginer avec notre conscience humaine ?

Peut-être qu’idéaliser ou s’attacher à des croyances aussi belles soient telles, ne sont encore qu’un jet dénué de devenir, tant que la réalité de « ce qui est » n’a été réalisée.

Peut-être que l’enseignement devient alors l’obstacle, l’obstacle amenant au désenchantement, qui dilapidant les croyances militantes, amène à une délivrance qui ne se traduit encore que par une nouvelle illusion.

Une des nombreuses danses qu’offre dans son panel cette course au divin et au « Soi ».

Le chemin serait-il lui même une illusion ? Quand il n’est pas sous le sceau éphémère des éclaircies illuminatrices, paraît tendre inlassablement pour tout chercheur de vérité à souvent s’incarner comme une nécessaire et pénible réalité.

Nous pourrions parfois soupçonner la pratique de n’avoir but que d’user, de fatiguer afin de permettre la recherche de prendre fin et de ne plus avoir d’autre choix que de lâcher prise.

Et pourtant en même temps, elle ouvre, permet le nettoyage de mémoires douloureuses, perméabilise la conscience à plus de réceptivité et permet de prendre conscience de son propre reflet…

Le paradoxe semble malheureusement être indissociable de son processus….

Mais il ne peut s’appuyer que sur une aspiration vraie et sincère, qui ne trouvera repos qu’après avoir usé toutes ses cartouches et avoir abattu ce qui reste d’espoir d’être encore un « moi » indépendant et réel.

Un fonctionnement évolutif de la manifestation qui amène et œuvre dans les profondeurs individuelles de l’être pour une émergence collective de l’humanité.

Comment pourrions-nous exprimer ce qui transcende les mots, les dires, l’intellect, sans créer un nouveau concept enfermant et n’ayant pour sens qu’une infime partie d’une autre réalité.

L’homme est en devenir et son ego-mental ainsi que sa transcendance n’apparaissent être qu’une étape vers quelque chose d’autre, une continuité de la conscience manifestée vers laquelle nous ne pouvons que pointer des concepts avec une imagination malheureusement limitée à notre niveau de conscience du moment..

Je ne parle pas de l’aspect non-manifesté et du Soi qui se suffit à lui-même et à travers lequel la conscience se déploie et imagine de nouvelles configurations et s’exploite à travers sa manifestation tous les chemins du possible…

Bien sûr, ce sujet a déjà fait couler beaucoup d’encre et son apogée revient à Sri Aurobindo, maître spirituel de l’Inde d’hier, qui a su amener une compréhension aussi cohérente qu’expérientielle sur l’évolution de la spiritualité d’aujourd’hui.

Je ne saurais pour cela que trop recommander la lecture de ses ouvrages.

Ceci permet aussi la remise en cause des nombreux mouvements spirituels figés sur l’accession d’un état d’unité statique qui ne prend pas suffisamment ou peu en compte l’aspect de sa réalité manifestée.

La question se pose aujourd’hui sur l’intégralité de notre vision de l’existence et de ce que nous sommes capables de mettre en œuvre pour participer activement à un monde meilleur. Cela dans un but non égotique ou égocentrique mais dans un don sincère et utile de notre existence.

François Breton